Les paysages aquatiques et autres Iwagumis.
PREAMBULE
Loin de moi l’idée de faire un article « scientifique » voyez ceci plutôt comme un guide du débutant en bacs plantés « nouvelle génération », si certains points sont admis par de nombreux aquariophiles d’autres sont totalement subjectifs, libre à vous de ne pas y adhérer.
Vous avez tous entendu parler des « bacs hollandais », sachez que ceux ci, ou du moins la tendance, ont vu le jour dans la fin des années 50, début 60, autant dire qu’ils ne sont plus tout jeunes.
Cette tendance a évolué et nous nous acheminons vers de nouvelles « écoles », la dominante actuelle, issue des pays asiatiques est « le paysage aquatique ».
Passionné de ce type de bac, c’est avec toute la modestie due à mes échecs que je rédige ce petit guide, je suis donc ouvert à toutes les corrections et critiques que vous autres lecteurs pourrez y apporter.
Je vous exposerai tout ce que j’ai pu apprendre au fil du temps à travers trois articles, celui-ci, traitant des généralités, une sorte de mise en bouche, un second article plus concret sur les techniques mises en œuvre notamment à travers la réfection de mon 200 litres et enfin un petit dernier sur la méthode de fertilisation « Poor Mans Dupla Drops » et quelques bafouilles au sujet des plantes…
INTRODUCTION
Aquascaping ? Mais qu’est ce que c’est ?
Petite définition, disons que c’est « l’art » de mettre en place un aquarium planté en alliant harmonieusement les décors fixes et les plantes en vue de créer un paysage aquatique.
Le « paysage » peut être inspiré de la nature ou surgir de l’imagination du créateur.
D’une manière générale ce type de bacs cherche a provoquer un sentiment d’apaisement et d’émerveillement chez le spectateur.
LE HARDSCAPE
Ce que l’on appelle le hardscape est l’élément « fixe » de votre décor, il se composera non pas de bateaux et de scaphandriers mais d’éléments naturels, pierres, roches, sable.
Le choix du hardscape est l’un des piliers de votre aquarium, c’est lui qui va accentuer les effets donnés par la plantation, il est nécessaire de bien le penser car il sera hors de question de le modifier une fois la plantation mise en place.
On s’attachera à trouver un décor possédant une beauté « intraséque », le décor doit être attirant, envoutant, cherchez les plus belles textures de pierres, jouez sur les tons….
Il n’existe pas tellement de limites à la création dans ce domaine, sauf pour les iwagumis qu’on abordera plus tard.
Il y a toutefois certaines choses à ne pas faire.
Règle numéro 1 : on ne mélange pas plusieurs types de roches ou plusieurs types de racines.
Règle numéro 2 : les pierres et les racines font rarement bon ménage il faut soit se limiter à l’un ou l’autre, soit mettre en avant l’un des éléments, sinon vous risquez de créer un chaos visuel plus qu’un paysage aquatique.
Règle numéro 3 : n’oubliez jamais que le hardscape et la plantation sont étroitement dépendants, choisissez vos éléments en les visualisant comme un « tout ».
Règle numéro 4 : évitez la symétrie et les nombres pairs, créez un déséquilibre dans la disposition des pierres, jouez sur l’enchevêtrement de racines noueuses.
Pour ce qui est de la disposition faites confiance à votre imagination, essayez de ne pas surcharger votre décor, je vous rappelle qu’on parle de bacs plantés et pas de bacs « empierrés » les adeptes du tanga et malawi devront se faire violence !
Pour le choix des "matériaux" vous pouvez tout à fait ramasser quelques caillasses sur le bord des chemins, si vous cherchez plus exotiques, les commerces spécialisés proposent quelques rocailles importées du Japon ou autres contrées lointaines, on trouvera notamment la trés prisée ( et chère ! ) Manten Stone, ma petite préférée la Seriyu Stone, ou encore Okho Stone, Dragon Stone, Rolling Sto….euh non pas celle là….
Voici quelques photos de hardscapes avant et après plantation :
Le hard :
Source : www.projectaquarium.com — « Hill of skull »
Le final :
Source : www.projectaquarium.com — « Hill of skull »
Le hard :
Source : www.aquascapingworld.com — Peter Kirwan « Mountainscapes »
Le final :
Source : www.aquascapingworld.com — Peter Kirwan « Mountainscapes »
LA CREATION D’UN POINT FOCAL
En voilà une drôle de bête !
Les photographes amateurs savent déjà ce qui va être abordé dans ce chapitre et peuvent passer au suivant.
Sachez que le cerveau humain est loin d’être la machine la mieux élaborée au monde ( si, si, je vous jure ! )
Notre perception au cas ou vous ne le sauriez pas est constamment altérée et il existe une différence entre ce que l’on voit et ce que l’on croit avoir vu !
En clair, notre regard a une fâcheuse tendance a rechercher en permanence les informations, lorsqu’on regarde une image chargée nos yeux n’ont de cesse de divaguer de bas en haut et de droite à gauche, du coup on a beaucoup de mal a distinguer les choses comme un tout et de nombreux détails sont mis de cotés.
Le but, lors de la création de votre bac, sera donc de recentrer l’attention du spectateur via un point focal, un élément de votre aquarium qui attirera le regard et l’empêchera de divaguer.
Le choix du point focal est assez libre, il peut s’agir d’un rocher ou groupe de rochers, d’une racine, ou encore d’une plante ou groupe de plantes.
L’important sera qu’il se démarque du reste du bac, ainsi on peut par exemple choisir une plante solitaire de couleur qui va « flasher » sur le fond vert.
La disposition du point focal est une toute autre affaire, généralement ( c’est mon cas ) on utilisera ce que l’on appelle le « nombre d’or », mais ce n’est ni une obligation ni une règle écrite.
Le nombre d’or est de manière simplifiée une petite formule mathématique à appliquer, il s’agit de diviser votre bac en deux parties inégales ayant pour ratio 1 pour 1,618, c’est à la limite de ces deux parties que se situe votre point focal, il ne vous restera plus qu’a le placer.
Je vous passe le pourquoi du comment de la chose, ça m’évitera de dire des bêtises, sachez tout de même que ce n’est pas une régle inventée par un illuminé mais bien une constatation issue d’études sur…..hum, hum….sur….de toute façon on s’en fout, z’avez qu’a demander à votre neurologue !
Pour le calcul, mesurez la longueur de votre bac et divisez la par 2,618, mesurez le résultat sur votre bac et marquez le, il s’agit du ratio 1, c’est la que vous pouvez mettre en place votre point focal, le reste de la longueur correspond au ratio 1,618.
C’pas hyper clair ?…..hop image…. :
Source : www.projectaquarium.com — « Hill of skull »
( pfff…. rangez vos règles et calculatrices, c’pas à échelle, c’est juste schématisé, mais bon en gros c’est ça quoi. )
INTERMEDE…..
Félicitation vous êtes arrivé jusqu’ici sans en mourir, vous savez ce qu’est le hardscape, le point focal.Il nous reste a aborder la plantation, la population, les iwagumis, les wabi kusa, les low tech…..
Eh ! Revenez !….
Bon… vous avez bien bossé, vous pouvez aller boire un café et faire un tour dans la splendide galerie du « Créative Aquascape union »…des maîtres en la matière !
Considérez ceci comme votre "bon point" http://www.cau-aqua.net/index.php?option=com_zoom&Itemid=29
Reprise dans 10 minutes !
LA PLANTATION
Aîe, c’est la que ça se complique.
Tout d’abord le choix des plantes, dans ce type de bacs prés de 100% de la surface au sol est plantée…du coup faut pas se planter…
Ok elle était naze… Je sors.
Bref !
Pour le choix des plantes il y a quelques règles à respecter.
Règle numéro 1 : au moins 1/3 de la surface au sol doit être couverte de plantes à croissance rapide, ne négligez pas ce point de détail sinon gare aux algues.
Règle numéro 2 : il est préférable de choisir des plantes qui se ressemblent, l’aspect général du bac en sera meilleur, les effets plus faciles à créer, si vous tranchez trop dans les aspect et couleurs vous perdrez le coté harmonieux.
Règle numéro 3 : pensez aux besoins des plantes, leur disposition dans le bac peut être un facteur limitant de leur croissance.
Règle numéro 4 : pensez « massif », dans ce type de bacs on va créer des bosquets, des groupes de plantes, il faut les planter par groupe d’une même espèce, notez que certaines plantes de taille trop imposante ne s’y prêtent pas.
Règle numéro 5 : respectez leurs tailles, on choisira des plantes hautes pour l’arrière du bac, des plantes intermédiaires au milieu et des plantes gazonnantes en avant plan.
Comment planter ?
Le but est de créer en arrière plan de gros massifs d’aspect impénétrable, un véritable mur végétal, préférez les plantes à tige plus faciles à tailler.
Voici l’effet à obtenir :
Source : http://www.aquabase.org/forum — Philippe
En plan médian on cherchera toujours un effet buissonnant mais on s’attachera plus à cacher la base des plantes d’arrière plan et à créer des massifs qui feront la transition entre l’avant du bac et l’arrière, didiplis diandra, hedyotis salzmani, blyxa japonica ou encore ranunculus inundatus se prêtent très bien au jeu.
Petite photo de l’effet que peut donner ranunculus inundatus :
Source : http://www.aquaticplantcentral.com/forumapc – Tex Gal
En premier plan, le plus difficile, on va essayer de créer un « gazon », c’est souvent la « vitrine » de votre bac, un beau gazon, vert clair a un effet assez bluffant, vous ne vous lasserez pas de le regarder si vous le réussissez, les plantes à choisir seront par exemple hemianthus callitrochoides cuba, glossostigma elatinoides ou encore pour les plus audacieux utricularia graminifolia ( réel défi en ce qui me concerne, voilà des années qu’elle me nargue ! )
Un joli tapis d’hemianthus :
Source : http://www.victri.net — Vic Teo
Pour l’aspect général de votre plantation on retrouve 4 écoles, pas de bla bla, explications en photos.
La composition concave, tout sur les cotés, un trou au milieu :
Source : http://www.aquascapingworld.com — Down the River by Sergio Canabal
La composition convexe, ben l’inverse, tout au milieu, rien sur les cotés :
Source : www.aquatic-eden.com — Filipe Alves Oliveira
La composition triangulaire, en dénivelé d’un coté vers l’autre :
Source : www.onelargeprawn.co — Hsu Yung Lin
Nota : ce bac a été classé 3 éme au rang mondial au cours du concours International Aquatic Plant Layout Contest 2008
La composition linéaire, des plantes partout, partout, partout :
Source : http://www.flickr.com — Takeshi Amano <==== AMANO !
C’est ce type qui a donné son nom à la crevette, grand maître incontesté du bac planté spécialiste de l’iwagumi, une STAR !
LA POPULATION
Ici il n’existe aucune règle, libre à chacun de mettre les poissons qu’il aime, néanmoins on trouve quelques contraintes.
Les plantes tout comme les poissons sont exigeantes sur les paramètres physico chimiques de l’eau, dans la majorité des cas on cherchera a atteindre une température moyenne de 24 à 26 degrés, ph 6 à 7 le tout dans une eau la plus douce possible, la population est donc à adapter à ces paramètres.
On préférera également des espèces de petite taille, grégaire, toujours dans l’optique d’avoir un bac harmonieux.Les divers rasboras et boraras, nannostomus, hyphessobrycon sont du plus bel effet en banc serré, on peut également inclure diverses crevettes qui en plus d’animer le fond seront de précieux aides de camp dans le nettoyage du bac, on pensera également aux corydoras de petites tailles, pygmaeus, nanus, julii, enfin, quelques otoncinclus seront un plus indéniable.
En tout les cas les grosses espèces et les phytophages sont à proscrire, quant au bac communautaire regroupant diverses espèces il fragiliserait l’harmonie recherchée ( je n’ai jamais pu me résoudre à cette dernière « règle » ).
Sachez tout de même que les poissons seront une difficulté supplémentaire sur le chemin de la réussite, nourriture et déjections apporteront des variations non négligeables à la présence de phosphates, ammoniaques, nitrates…et j’en passe…bref, ils fragiliseront l’équilibre précaire que vous tenterez de mettre en place via la fertilisation ( je vous renvoi à l’article sur l’engrais PMDD pour de plus amples détails ).
LES IWAGUMIS
Paysages aquatiques, certes ! Mais…
Ils sont certainement parmi les bacs les plus en vogue actuellement, et sont également l’un des défis les plus difficile à relever, ils obéissent à des contraintes très strictes.
Il s’agit d’aquariums inspirés par les jardins « zen », le hardscape est cette fois l’attrait principal du bac, oubliez les racines, ce n’est pas très « iwagumi », on ne va employer que les roches.
La composition du jardin zen :
numéro 1 : une statue « maitresse »
numéro 2 : deux statues prosternées ( en adoration pour être précis )
numéro 3 : du gazon
numéro 4 : une lanterne
Simple, épuré, apaisant, japonnisant….on transpose à l’aquariophilie :
Les roches sont les stars du bac, beauté mise en valeur, position très codifiée, elles remplacent les statues.
On applique le « code », un maitre, grand et imposant face auquel se prosternent deux autres de taille inférieure…en aquario ça donnera, une pierre dominante ou amas de pierres ( placée selon la régle du nombre d’or ) et deux autres de taille inférieure dans la partie 1,618 du ratio, impaire, asymétrique, on reste sur les mêmes bases que précédemment.
Les plantes, le choix est simple, toutes les plantes à tiges sont interdites ! Elles cacheraient les pierres, voleraient la vedette…les plantes à rosette à peine tolérées….dans les jardins zen il y a du gazon…bref plantes gazonnantes uniquement !
A vos ciseaux vive la glosso !
Quoi d’autre ? Ben rien, nada, c’est fini…enfin si, vous pouvez mettre la flotte….sinon c’pas un aquarium.
En résumé, passez six mois à chercher de belles pierres, deux mois à trouver la position adéquate, mettez en eau, plantez avec de l’hemianthus et si vous parvenez à triompher des algues vous aurez un superbe iwagumi.
Croyez moi c’est extrêmement périlleux, la position des pierres est très difficile à trouver, avec cinq cailloux identiques on peut avoir un bac superbe ou….. un tas de cailloux dans de l’eau….
Dis comme ça, ça n’a l’air de rien mais en photo c’est une autre affaire…voici quelques iwagumis et dérivés :
Source : http://www.adaeuro.com
Source : www.aquascapingworld.com — "Passage Beyond" – Roy Deki
Source : http://www.adaeuro.com
LES LOW-TECH ET LES WABI KUSA
Pas grand chose à dire sur ces deux la, ils sont très marginaux, on trouve peu de représentations, la technique est encre un peu floue.
Le low tech :
Il obéit sensiblement aux mêmes règles que les « paysages aquatiques », la différence se situe dans les moyens mis en oeuvre, on ne trouvera ni injections de co2, ni éclairage surpuissant, la fertilisation sera minimale.
En bref il vous faudra la jouer fine sur un choix de plantes très restreint supportant ces conditions de maintenance, mais un réel défi vous attend si vous vous lancez, j’ai pu vous trouver une petite photo que voici :
http://www.aquaticplantcentral.com — Norbert Sabat
Le wabi kusa :
La on change un peu de registre, il s’agit plus d’un aquaterrarium/paludarium, le but étant de placer dans un bac de faible profondeur, un îlot de substrat sur lequel on fera pousser des plantes tant immergées que emmargées.
L’exercice peut être assez fun, certains s’y amusent dans des saladiers ou coupelles à fruit, et il faut avouer que ça rend plutôt pas mal :
http://suty.pl — « Aquascapedesign » – Piotr Suty
Ne vous fiez pas aux apparences, c’est un autre exercice périlleux, la technique mise en oeuvre est assez lourde, car il faudra concilier les apports des plantes émergées avec les besoins des immergées, si sur le plan "logistique" c’est pas l’usine à gaz, une bonne expérience sera nécéssaire.
CONCLUSION
Pas grand chose à conclure, j’espére que je me suis montré clair et instructif, je suis ouvert aux questions, critiques et suggestions de modifications.
Pour ce premier éssai on est restés sur un domaine trés "général", on abordera des facettes beaucoup plus techniques sur les deux articles suivants.